Les IA génératives s’invitent dans tous les secteurs, y compris celui de la communication événementielle. Promesse d’une révolution technologique ou simple effet de mode ? Les professionnels ne manquent pas d’enthousiasme mais, sur le terrain, les transformations spectaculaires annoncées peinent encore à se matérialiser. Et pourtant, une révolution plus discrète – mais tout aussi déterminante – est en cours. Elle redessine peu à peu les coulisses de la conception et de l’organisation des événements. Alors, l’IA est-elle en train de bouleverser l’événementiel, sans que l’on s’en rende compte ? Quels outils utiliser et pour quels usages ? Éléments de réponse avec Régis Clinquart, concepteur-rédacteur, scénariste et formateur spécialisé en communication événementielle et intelligence artificielle.

Si l’on en croit de nombreux professionnels de l’événement, l’IA serait en passe de révolutionner le secteur. Pourtant, les exemples concrets de cette révolution en marche restent encore rares.
Pourquoi ? Parce qu’en dépit des performances impressionnantes des IA génératives (IAG) telles que ChatGPT, HeyGen, Kling ou Midjourney, les nombreuses activités liées à la conception, à l’organisation et à la production événementielle auxquelles elles peuvent contribuer plus ou moins fortement ne sont pas les plus spectaculaires. Elles relèvent au contraire, pour la plupart, de l’indispensable mais bien plus confidentiel travail de l’ombre.
La raison de cet étonnant paradoxe ? Les IAG sont, sauf exception, conçues pour interagir avec un seul utilisateur à la fois, et non avec des groupes.
Par définition, elles n’ont à offrir que des interactions homme-machine, alors que l’immense majorité des événements repose : d’une part, sur des interactions entre humains (les participants échangent avec des orateurs, des exposants, des artistes, ou même entre eux) et, d’autre part, sur l’émotion partagée et la construction de souvenirs collectifs.
En réalité, les apports les plus déterminants de l’IA dans le domaine de la communication événementielle concernent bien moins l’animation des événements (bien qu’elle puisse y contribuer) que leur préparation et leur optimisation, tant pour les participants que pour les organisateurs. On peut parler à juste titre de révolution, mais c’est une révolution, pour l’essentiel, invisible.
L’IA pour gagner en productivité
Que ce soit pour rédiger des comptes rendus de réunion, transcrire des interviews, scripter des interventions à partir d’une simple prise de notes, créer un déroulé d’événement, des quiz ou des enquêtes de satisfaction, mettre en forme les éléments d’une présentation client ou encore automatiser les briefings de prestataires… les IA ne travaillent pas forcément mieux que les humains, mais elles le font beaucoup plus vite et pour un moindre effort. Côté audiovisuel et production de médias, les IA permettent aussi de dérusher des vidéos à une vitesse record et (comme chacun le sait désormais) de créer des visuels, de générer des moodboards, des roughs d’intention, des illustrations, des storyboards et des vidéos de tous types, et même de créer des voix off et des musiques très rapidement et à moindre coût.
Exemples d’outils de productivité
- Pour transcrire des réunions et rédiger des comptes rendus : Dicte, Noota, Noty, Fireflies, Whisper…
- Pour scripter automatiquement des interventions orales : Rédac Chef Event
- Pour créer un déroulé d’événement : Event Agenda Generator
- Pour automatiser les briefings de prestataires : Rédac Brief
- Pour dérusher des vidéos : Opus Clip, Jumper, fonction « media intelligence »d’Adobe Premiere
- Pour générer des images : Midjourney, ChatGPT, Flux, Ideogram…
- Pour créer des vidéos : Veo, Runway, Kling, Hailuo, Higgsfield, Domo…
- Pour cloner des voix, créer des voix off et des bruitages : ElevenLabs
- Pour créer des musiques avec paroles : Suno et Udio
L’IA comme super-assistant
Les IA permettent d’effectuer facilement des recherches documentaires… non sans commettre de nombreuses erreurs qu’il est nécessaire de corriger.
Elles peuvent résumer, traduire et corriger des documents, en extraire des informations et les organiser (NotebookLM).
Elles peuvent faire de la veille stratégique et informationnelle, analyser un brief client (Brief Client Xpert Event), réduire la durée d’une intervention, jouer un rôle de critique (Crash Test Event formule des objections sur les recommandations clients et aide à y répondre), proposer des plans B, créer un plan média, rédiger et mettre en forme toutes sortes de publications post-événement.
Côté production et logistique, enfin, les IA peuvent comparer des devis (Comparateur de devis Event), conseiller des solutions techniques (Event Tech Advisor), rechercher des prestataires ou des conférenciers (Speaker Search), trouver des sites événementiels et des destinations, combiner des fuseaux horaires, optimiser des flux et répartitions de participants, les renseigner et les orienter.
L’IA pour décupler la créativité
Les IA peuvent suggérer et développer des thématiques de soirée, des idées d’ateliers (Workshop Designer), d’animations, de teambuildings (Team Builder) et d’icebreakers (Icebreaker).
Elles permettent d’explorer des pistes de scénographie (ScénoStarter).
Bien exploitées, elles excellent dans le storytelling, la scénarisation de sketchs, l’écriture de spectacles, de vidéos (Vidéo Script) et de chansons, ainsi que dans la génération de teasers (Teaser Maker).
L’IA comme substitut (encore imparfait) de l’expertise humaine
L’avancée la plus spectaculaire et visible en matière de « remplacement d’expertise » est certainement dans le domaine de la traduction simultanée automatique (y compris en audio avec Interprefy par exemple).
Mais l’IA peut également prendre en charge de nombreuses tâches rédactionnelles automatisables comme la rédaction d’invitations (Invit’Event), ou encore procéder à des analyses qualitatives d’enquêtes de satisfaction et en tirer des enseignements activables (Stud’Event).
L’IA pour de nouveaux usages inédits
Au-delà des nombreux cas d’usage évoqués plus haut, les IA rendent possible ce qui ne l’était pas hier encore :
- upscaling d’images et de vidéos pour en améliorer la résolution (Topaz, Magnific AI, Lupa )
- création de parcours participants sur mesure
- matchmaking très pointu
- doublage audio multilingue d’intervenants avec synchronisation labiale (HeyGen)
- réalisation d’avatars réalistes et de deepfakes audio et vidéo (ElevenLabs, Hedra, Pixverse, Krea, Sync…)
- personnalisation de vidéos par synthèse vocale (HeyGen)
- création automatique de podcasts (Notebook LM) ou de vidéos (Invideo, Pictory)
- conception d’ateliers et de teambuildings « augmentés »
- mise en place d’animations originales comme des blind tests IA, des photocalls IA avec génération d’images, des interventions virtuelles sans mocap, des icebreakers fondés sur la reconnaissance d’émotions…
- création d’animations IA collaboratives inédites reposant sur le coprompting
- extraction et publication automatique de vidéos au fil de l’eau, en cours de tournage (Opus Clip, Spikes)
- distribution de photos assistée par reconnaissance faciale (Memento)
- etc.
Synthèse : des cas d’usage à tous les niveaux
Domaines | Usages IA |
Création audiovisuelle | Vidéo, graphisme, illustration, son et musique |
Rédaction/conception | Documentation, idéation, éditorialisation, traduction |
Suivi de projet | Synthèse, analyse, reporting |
Production | Lieux et prestataires, solutions logistiques et techniques, étude de coûts |
Scénarisation | Script, storytelling |
Communication | Invitations, programmes, chatbots IA, newsletters, post-event |
Interaction/animation | Quiz, jeux, icebreakers, ateliers, teambuildings, matchmaking |
Lire aussi
Quelle IA choisir pour son travail ? Faites le test !
La rédaction d’ORSYS vous propose de savoir quelle IA est la plus adaptée à vos besoins professionnels. Découvrez de manière ludique les IA les plus pertinentes grâce à ce quiz.
Vers une disparition programmée de l’expertise événementielle ?
C’est LA question qui taraude les professionnels de l’événementiel comme ceux d’autres secteurs d’activité. Et c’est une question légitime, qu’on le veuille ou non.
Si les métiers de terrain – hôte, traiteur, technicien son, lumière et vidéo, régisseur, décorateur, roadie, artiste-performer des arts vivants… – ne semblent pas menacés à court terme par la concurrence des IA (au moins jusqu’à ce que les progrès de la robotisation ne changent la donne), il n’en est pas de même des métiers « intellectuels » de l’amont.
L’IA peut en effet décupler les compétences analytiques, stratégiques, créatives, rédactionnelles et organisationnelles des concepteurs, rédacteurs, chefs de projet, directeurs artistiques, roughmen, réalisateurs, traducteurs ou logisticiens, et leur permettre de mener à bien nombre de tâches plus vite et plus efficacement… mais elle peut aussi les remplacer, au moins en partie.
Pour ces derniers, l’IA constitue, en dépit de ses mérites mais aussi à cause de ses mérites, un péril.
Et les agences auraient bien tort de croire qu’elles gagneront au remplacement de l’expertise humaine, car leurs clients aussi feront peu à peu peser sur elles cette même menace.
En effet, plus l’utilisation de l’IA va se démocratiser dans les entreprises comme dans le quotidien personnel des clients, plus ces derniers seront enclins à exploiter le prétexte de l’IA pour exercer une pression sur les coûts de production, avec un très fort impact potentiel sur le chiffre d’affaires comme sur les marges des agences…
Comment les agences peuvent-elles se préparer et se défendre face à ce risque ?
En premier lieu, puisque les IA permettent, entre autres, de gagner du temps, il va falloir décorréler la question de la rémunération de celle du temps passé (sauf pour les métiers de terrain).
Pour préserver leurs marges, les agences devront cesser de vendre des jours-homme pour vendre un résultat, et seulement un résultat : « Vous me confiez telle mission. Le prix est forfaitaire et cela coûte tant. »
Mais cela ne suffira pas.
Car lorsque la productivité horaire d’un fournisseur augmente, le client attend naturellement – et réclame – que ces gains se traduisent pour lui par une baisse des coûts. Et il peut le plus souvent obtenir cette dernière en faisant jouer la concurrence, qui s’en trouve accrue.
Avec l’IA, souvent perçue comme « magique », le client peut même être tenté de se substituer à l’agence pour effectuer nombre de tâches dites « à faible valeur ajoutée » (ou considérées comme telles) : autant de travail en moins et donc de budget en moins pour l’agence…
Les agences vont donc devoir démontrer, demain plus encore qu’hier, la supériorité de leur expertise sur celle du client dans de nombreux domaines. Elles devront convaincre que le travail sera mieux fait (et vaudra son coût !) si elles le font elles-mêmes, avec ou sans IA, que si le client s’en charge, assisté par l’IA.
Pour ce faire, elles devront :
- Faire la démonstration de leur créativité, de leur rigueur, de leur meilleure connaissance des problématiques événementielles et des solutions à y apporter.
- Mais aussi former très sérieusement leurs équipes à l’IA, afin que les productions de l’agence soient au minimum d’un niveau équivalent, mais de préférence très supérieur, à celui des productions d’un client aux compétences « augmentées » par l’IA.
Formez-vous !
Vous souhaitez mieux comprendre, maîtriser et utiliser efficacement l’IA dans vos projets événementiels ? Découvrez le programme de la formation L’IA au service de la communication événementielle.
Les points clés :
- Comprendre l’IA, son potentiel, son fonctionnement et ses limites pour l’événementiel
- Gagner en productivité
- Automatiser les tâches répétitives, chronophages ou à faible valeur ajoutée
- Nourrir sa créativité et décupler ses sources d’inspiration
- Savoir quels outils choisir et comment en tirer les meilleurs résultats