Le management éthique s’impose aujourd’hui comme une réponse concrète aux défis de la démotivation, de la perte de sens et de l’absentéisme en entreprise. En plaçant les valeurs, l’exemplarité et l’écoute au cœur des pratiques managériales, il permet de renforcer l’engagement des collaborateurs et de redonner du souffle au collectif. Mais, comment procéder concrètement ? Par où commencer ? Et comment inscrire cette nouvelle posture managériale dans la durée ? L’éclairage d’Azziz Akroum, consultant et formateur.

Pourquoi faut-il repenser le management aujourd’hui ?
Selon la dernière étude State of the Global Workplace 2025 de Gallup, l’engagement des collaborateurs à l’échelle mondiale a chuté de 2 % en 2024. Ainsi, seulement un collaborateur sur cinq se dit engagé au travail (21 %). En 15 ans, c’est la 2e fois que l’engagement recule, après la baisse de 2020. Le recul de l’engagement est particulièrement marqué chez les managers, passant de 30 % à 27 %, avec un recul plus significatif chez les moins de 35 ans et chez les femmes.
C’est sur le continent américain, États-Unis et Canada en tête, que l’engagement des collaborateurs est le plus fort (31 %). Au niveau mondial, l’Europe se classe en queue de peloton avec seulement 13 % de collaborateurs « engagés ». Quant à la France, elle fait figure de mauvais élève. En avant-dernière position sur 38 pays européens (ex æquo avec le Luxembourg, la Pologne et la Suisse), elle ne compte que 8 % de collaborateurs engagés. Seule la Croatie fait moins bien (7 %).
En France, 9 collaborateurs sur 10 sont démotivés.
Jour après jour, les managers sont ainsi confrontés au manque de motivation et à l’absentéisme de leurs collaborateurs. La productivité baisse, les relations avec les clients se tendent, les opportunités de business se tassent. Et c’est la performance globale de l’entreprise qui trinque.
Quelles sont les causes de la baisse de l’engagement et de la perte de motivation des salariés ?
L’étude de Gallup pointe de nombreuses perturbations intervenues au sein des organisations au cours des 5 dernières années :
- Départs en retraite et turnover des collaborateurs post-pandémie
- Boom puis ralentissement des embauches
- Réorganisation rapide des équipes et des départements
- Réduction des budgets avec la fin des programmes de relance
- Chaînes d’approvisionnement perturbées
- Nouvelles attentes des clients
- Transformation numérique : émergence puis généralisation de l’usage professionnel de l’intelligence artificielle
- Nouvelles aspirations des collaborateurs en matière de flexibilité et de télétravail
[Chiffres clés]
Quelques données à retenir :
8 % de collaborateurs engagés en France
– 2 % d’engagement mondial entre 2023 et 2024
+ 58 % d’absentéisme de longue durée en 5 ans
+ de 70 % des 18-30 ans cherchent un emploi aligné sur leurs valeurs
[Témoignage]
« Cela fait au moins dix ans que je constate une perte de motivation progressive chez les salariés. La crise du Covid n’a fait qu’accélérer ce phénomène. Aujourd’hui, si un collaborateur ne trouve ni intérêt, ni valeur ajoutée, ni utilité dans ce qu’il fait, son engagement s’effrite rapidement.
Je suis convaincue que le management ne peut pas tout. Si la direction générale ne donne pas de vision cohérente et ne reconnaît pas le travail des équipes, il devient difficile de maintenir la motivation. Certes, la rémunération reste importante, mais ce n’est plus suffisant.
J’observe aussi que les plus jeunes sont particulièrement attentifs aux conditions de travail, au télétravail, mais surtout aux valeurs portées par l’entreprise. Pour maintenir une dynamique collective, je dois sans cesse donner du sens à leurs missions et créer un cadre managérial à la fois clair et stimulant. »
Jessica, chef de service dans un service administratif d’une vingtaine de personnes.
Le management éthique comme levier de remobilisation
Depuis quelques années, le management éthique apparaît comme un levier efficace pour redonner de la motivation aux salariés.
Management éthique, quelle définition ?
Le management éthique désigne une manière de diriger fondée sur le respect des valeurs humaines, l’équité, la responsabilité et la transparence, afin de concilier performance et sens au travail.

Le management éthique repose ainsi sur une idée simple : donner du sens au travail. En effet, lorsque les collaborateurs perçoivent une utilité et une valeur dans leurs missions, leur engagement s’en trouve renforcé. Cette approche séduit particulièrement les jeunes générations. Ainsi, plus de 70 % des 18-30 ans rechercheraient un emploi en accord avec leurs convictions, notamment environnementales. Pour eux, l’alignement entre valeurs personnelles et culture d’entreprise devient un critère de choix essentiel.
Management traditionnel | Management éthique | |
Finalité | Productivité, résultat | Sens, performance durable |
Relation hiérarchique | Verticale, descendante | Horizontale, basée sur le dialogue |
Communication | Directive | Participative |
Posture managériale | Contrôle | Accompagnement |
Impact sur l’équipe | Stress, désengagement | Motivation, engagement |
Le rôle de l’employeur est donc central. Il doit incarner une politique éthique claire et structurée.
Cela permet aux salariés de s’inscrire dans une organisation cohérente, où chacun trouve sa place.
La création d’un cadre éthique partagé favorise l’implication collective.
Cependant, lorsque l’entreprise ne porte pas elle-même cette dynamique, le manager peut initier une démarche éthique au sein de son équipe. Cette situation reste plus difficile, mais elle n’est pas impossible. Elle demande alors un engagement fort du manager, à la fois en posture et en action.
Idéalement, la gouvernance de l’entreprise devrait impulser cette orientation, puis la relayer à tous les niveaux hiérarchiques. C’est ainsi que le management éthique peut pleinement porter ses fruits.

Comment mettre en place un management éthique au quotidien ?
Le rôle de l’organisation dans la mise en place d’un management éthique
Pour qu’un manager puisse pratiquer un management éthique au quotidien, deux étapes préalables :
1/ Mettre en place un management éthique commence d’abord par un état des lieux.
Il s’agit d’évaluer l’implication et l’engagement réels des salariés dans l’entreprise. Pour cela, l’entreprise peut utiliser plusieurs outils et méthodes complémentaires :
- D’abord, une enquête interne sous forme de baromètre annuel ou de questionnaire de satisfaction QVCT, ou encore des sondages anonymes en ligne
- Ensuite, des entretiens individuels et collectifs pour recueillir des retours qualitatifs en face à face (entretien d’évaluation professionnelle, par exemple)
- Mais aussi des indicateurs RH pour détecter des signaux faibles ou des tendances chiffrées. Par exemple : taux d’absentéisme, taux de turnover, nombre de ruptures anticipées de période d’essai, nombre de départs non souhaités, participation aux formations/réunions/événements internes
- Ou encore un feedback continu, notamment via les outils digitaux : applications de feedback instantané (par exemple : Supermood, Officevibe), murs d’expression ou boîtes à idées (physiques ou numériques)
- Enfin, l’observation managériale permet de repérer au quotidien les comportements traduisant l’implication. Signes positifs : prise d’initiative, esprit collaboratif, ponctualité, qualité des échanges. Signes de désengagement : retrait, retards récurrents, baisse de la qualité ou de la participation.
Cet état des lieux permet d’identifier les leviers d’action.
2/ Dans l’idéal, l’entreprise élabore ensuite une charte éthique claire, partagée et portée par la direction. Cette démarche donne un cadre commun à tous.
Exemple de charte éthique :

Cependant, en l’absence d’une politique d’entreprise forte, le manager peut agir à son niveau. Il joue alors un double rôle : initiateur et animateur d’une dynamique éthique dans son équipe.
Dans les deux cas, il doit à la fois être attentif à ses collaborateurs et se montrer exemplaire.
L’implication quotidienne des managers
Concrètement, quelles actions quotidiennes permettent un management éthique, d’incarner ses valeurs et d’engager son équipe ?
1/ Être exemplaire
C’est d’abord respecter les règles et les horaires. Cela implique également une communication claire (écoute active, reformulation, CNV, feedback…). Le manager doit aussi tenir ses engagements et reconnaître ses erreurs.
2/ Favoriser l’écoute et le dialogue
Le manager éthique se montre disponible pour ses collaborateurs, organise des points réguliers (formels ou informels) pour prendre le pouls de l’équipe et encourage l’expression des opinions, même critiques.
3/ Donner du sens au travail
Par ailleurs, il explique les objectifs et leur utilité pour l’équipe et l’organisation. Il relie les missions de chacun aux valeurs de l’entreprise. Il valorise les contributions individuelles et collectives.
4/ Prendre des décisions justes
Il s’agit non seulement d’appliquer les règles sans favoritisme mais aussi d’expliquer ses décisions.
5/ Cultiver un climat de confiance et de respect
C’est d’abord s’abstenir de tout comportement discriminant ou dégradant. Cela nécessite aussi de savoir prévenir et gérer les conflits avec équité. Le manager doit également respecter la vie privée et les limites de chacun.
6/ Soutenir la montée en compétences
Pour cela, le manager identifie les besoins en formation, encourage l’autonomie et la prise d’initiative, reconnaît les efforts (pas seulement les résultats).
7/ Veiller à l’équilibre vie pro/vie perso
Enfin, le manager éthique n’encourage pas au présentéisme et n’impose pas une culture de l’urgence permanente. Il respecte les temps de repos, de congés et de déconnexion. Il est attentif aux signaux de fatigue ou de mal-être.
Ces gestes du quotidien, parfois simples, construisent une culture managériale fondée sur la cohérence, le respect et la reconnaissance. Tels sont les piliers d’un management éthique durable.
[Témoignage]
« Mon exemplarité est essentielle. Chaque jour, je veille à transmettre une image irréprochable à mes équipes. D’abord, par ma présentation physique. Ensuite, en choisissant mes mots avec justesse pour ne pas froisser, et encore moins blesser, un de mes collègues. Enfin, en distinguant clairement vie personnelle et vie professionnelle. Cette exigence personnelle nourrit mes collaborateurs et donne du sens à notre action collective. Toutefois, l’engagement de l’entreprise reste déterminant. Sans une politique éthique claire, les efforts individuels peinent à porter pleinement leurs fruits. »
Guillaume, chef de secteur dans une entreprise agroalimentaire en Moselle.
Plus l’éthique est portée collectivement, plus son impact est fort. La mobilisation du plus grand nombre favorise en effet une résonance durable auprès des salariés.

[Se former]
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Dans un contexte de démotivation croissante, le management éthique s’impose comme une réponse concrète et durable. En redonnant du sens au travail, il agit comme un moteur d’engagement individuel et collectif. Porté par les dirigeants ou initié par les managers, il nécessite de la cohérence, de l’exemplarité et de la clarté dans les valeurs. Pour être efficace, il ne peut rester isolé. Il doit s’inscrire dans une culture partagée, au service d’un projet d’entreprise à la fois responsable, motivant et fédérateur.