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Prévenir le harcèlement moral : une stratégie en 3 niveaux

Publié le 23 septembre 2025
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Phénomène de plus en plus prégnant dans le monde du travail, le harcèlement moral fragilise la santé mentale des salariés, met en péril la cohésion des équipes et altère la performance de l’entreprise. Pourtant, l’inaction reste courante faute de repères clairs. Face à ce constat alarmant, les entreprises doivent adopter une stratégie globale, mêlant prévention et formation. Expert en risques psychosociaux et en santé au travail, Aldric Zemmouri expose un plan d’action concret pour répondre à cet enjeu majeur.

Phénomène de plus en plus prégnant dans le monde du travail, le harcèlement moral fragilise la santé mentale des salariés, met en péril la cohésion des équipes et altère la performance de l’entreprise.

Ces situations sont bien souvent insidieuses. Elles peuvent naître de relations de travail dysfonctionnelles, de conflits mal gérés ou encore d’un management inadapté. Les conséquences sont graves. Non seulement pour les victimes : stress chronique, perte de confiance, isolement, voire dépression. Mais aussi pour l’entreprise : désengagement des équipes, augmentation de l’absentéisme et du turnover ou encore détérioration de l’image de l’entreprise.

Face à cette problématique, les entreprises ne peuvent plus se contenter d’une gestion réactive des crises. Une approche globale et proactive est essentielle pour prévenir ces comportements toxiques.

Pourtant, les données récentes montrent que le sujet reste mal maîtrisé sur le terrain. Selon le baromètre Ipsos x Qualisocial de 2022 :

  • 74 % des salariés estiment que le harcèlement moral est un phénomène répandu
  • 62 % perçoivent une augmentation des cas
  • paradoxalement, 86 % se déclarent mal informés sur ce qu’il recouvre réellement
  • 73 % éprouvent des difficultés à identifier des situations de harcèlement

Une stratégie de formation pour faire monter en compétences les acteurs clés

Ce double constat, augmentation des situations de harcèlement et méconnaissance du phénomène, appelle la majorité des employeurs à réagir. Pour autant, faire monter en compétences son collectif de travail sur ces questions n’est pas si simple. Il existe en effet de nombreux freins :

  • la nature subjective et invisible des situations relationnelles dégradées
  • un cadre juridique strict mais qui laisse une grande marge d’interprétation
  • des résistances en interne car c’est un sujet anxiogène pour les salariés
  • des difficultés à changer ses pratiques…

Autant d’obstacles qui nécessitent pour les employeurs de mettre en place une véritable stratégie de formation pour faire monter en compétences l’ensemble des acteurs clés dans la prise en charge de ces violences relationnelles.

Mais, pour être efficace, la formation doit s’inscrire dans un plan global de prévention du harcèlement moral. Ce plan articule trois niveaux d’actions :

Un plan de prévention du harcèlement moral en 3 niveaux

1er niveau d’action : le cadre commun d’action de l’entreprise

Pour mettre en place une politique de prévention du harcèlement moral efficace, il est primordial de définir un cadre commun d’action clair et partagé par tous les professionnels impliqués dans le traitement de ces situations. Il s’agit d’abord de définir précisément le rôle de chacun. Puis d’élaborer des outils concrets : procédures de signalement et d’enquête, liste des personnes ressources ou encore circuit d’alerte. 

Cependant, cette étape ne peut être mise en œuvre sans la formation préalable des acteurs clés :

  • les ressources humaines (le DRH et ses équipes)
  • les membres du comité social et économique (CSE) et/ou des membres de la commission santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT)
  • la direction (membres des COMEX/CODIR) qui porte cette politique de prévention

En effet, ils vont devoir penser ensemble la mise en œuvre concrète de cette politique de prévention du harcèlement moral.

Cette étape de formation est d’autant plus nécessaire pour un employeur qui n’a jamais travaillé sur ces sujets et dont la culture de prévention est faible.

La formation préalable de ces acteurs leur permet notamment d’acquérir le même niveau d’information (sur le cadre légal, les recommandations, les pratiques reconnues…) et un langage commun. Prérequis indispensables pour construire un cadre d’action partagé.

2ème niveau d’action : l’accompagnement des managers

Après la définition du cadre commun d’action vient l’étape de la transmission à l’ensemble des managers de l’entreprise.

En effet, les managers vont être les relais sur le terrain de la politique de prévention impulsée par la direction, les RH et les représentants du personnel.

Mais la mise en pratique de cette politique de prévention du harcèlement moral n’est pas si simple dans le quotidien. Et ce, pour plusieurs raisons. D’abord, la méconnaissance du phénomène de harcèlement moral complique son repérage précoce. Dans les faits, de nombreux signaux faibles (une mise à l’écart d’un membre de l’équipe, une répartition inéquitable du travail entre des collaborateurs, des conflits anciens non résolus, des rumeurs dénigrantes ou des quolibets sur une seule personne…) ne sont pas vus ou ne sont pas interprétés comme inquiétants. De plus, les problèmes relationnels entre collaborateurs sont souvent minimisés, laissant perdurer les situations. Et quand bien même les managers repèrent les situations problématiques, ils ne les signalent pas toujours ou alors bien trop tard, souvent faute de temps ou de compétences pour pouvoir investiguer plus avant des situations limites.

La formation des managers est donc indispensable pour que la politique de prévention du harcèlement moral prenne vie sur le terrain. C’est un temps privilégié pour leur permettre d’identifier les principaux freins qui font qu’ils n’alertent pas. Souvent, les échanges vont conduire à repréciser :

  • le circuit d’alerte
  • les informations essentielles à indiquer
  • les documents à utiliser
  • le vocabulaire à employer…

La formation renforce le manager dans sa posture de garant de la sécurité des collaborateurs et l’accompagne dans la gestion, au quotidien, des risques potentiels.

3ème niveau d’action : la sensibilisation des collaborateurs

Une fois le cadre commun d’action partagé avec les managers, l’entreprise peut enfin communiquer à l’ensemble des collaborateurs les principaux éléments de sa politique de prévention du harcèlement moral. Pour cela, elle doit mobiliser tous les canaux à sa disposition :

  • présentation en CSE/CSSCT
  • affichages réglementaires
  • outils de communication interne (intranet, newsletter…)
  • actions de sensibilisation directes (webinaire, atelier pratique, stand de prévention)

Exemple d’affiche annonçant un webinaire interne de sensibilisation :

Exemple d'affiche pour annoncer un webinar de prévention du harcèlement moral

C’est à ce moment que la formation auprès de l’ensemble des salariés prend tout son sens. Il s’agit le plus souvent d’ateliers de sensibilisation d’une demi-journée. Les objectifs ?

1/ Sensibiliser sur le phénomène en lui-même. Ce qui offre l’opportunité de clarifier la différence entre un conflit, un recadrage ou une situation de harcèlement moral. C’est en effet un questionnement fréquent des collaborateurs.

2/ Présenter ou rappeler la politique de l’employeur : circuit d’alerte, procédure d’enquête et prise en charge des victimes.

Les nombreux échanges avec les salariés lors des ateliers permettent ainsi de s’assurer que le message de prévention est bien intégré et que les outils proposés sont opérationnels.

Pour résumer, prévenir le harcèlement moral exige un engagement fort et une stratégie structurée, impliquant tous les acteurs de l’entreprise. Formation, sensibilisation et cadre clair sont les piliers d’une culture où chacun sait repérer, signaler et agir. En plus d’assurer la conformité légale, c’est un levier essentiel pour le bien-être et la performance collective. Ainsi, au-delà du harcèlement moral, la question ne serait-elle pas plus globale ou comment instaurer une culture d’entreprise fondée sur le respect, l’écoute et la prévention des conflits ?

Notre expert

Aldric Zemmouri

Risques psychosociaux, santé au travail

Consultant psychosociologue depuis 2005, il est expert en risques psychosociaux (RPS) et santé au travail. […]

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