La diversité et l’inclusion (D&I) renforcent l’innovation, la cohésion et la performance des organisations. La fonction RH en porte la mise en œuvre, entre adaptation des pratiques, mobilisation des équipes et maîtrise du cadre légal. Si les bénéfices sont nombreux – marque employeur, qualité de vie au travail, équité –, les obstacles restent réels : résistances culturelles, cloisonnements, complexité réglementaire. Déployer une politique D&I exige donc une transformation durable et partagée s’appuyant sur un engagement sincère et mesurable… loin des effets d’annonce. L’éclairage de Yasmina El Alaoui, experte en promotion de la diversité et lutte contre les discriminations.
La diversité et l’inclusion sont devenues des enjeux clés pour les entreprises comme pour les collaborateurs. Mettre en œuvre une politique D&I, c’est interroger ses pratiques, embarquer le collectif et ancrer les principes d’inclusion dans le quotidien. Les RH en sont les premières actrices.
Pour agir concrètement, quatre priorités à retenir :
Comprendre les enjeux de diversité et d’inclusion
Adapter les pratiques RH aux situations concrètes
Impliquer le collectif autour d’un langage partagé
Ancrer la D&I dans les pratiques quotidiennes des RH
Agir pour la diversité : du cadre légal aux pratiques inclusives
Application du principe de non-discrimination
La D&I s’appuie sur le principe de non-discrimination, reconnu par le code du travail et décliné en 31 critères légaux. Pour qu’une discrimination soit établie, trois éléments doivent être réunis : un traitement défavorable, un critère interdit et une situation prévue par la loi.
Pourtant, les pratiques discriminatoires restent fréquentes. Selon le 17ᵉ baromètre du Défenseur des droits (2024), 34 % des travailleurs rapportent en avoir été témoins. Et une personne active sur trois dit en avoir été victime, principalement en raison du sexe, de l’apparence physique ou du handicap/santé. L’édition 2024, centrée sur les seniors, met en lumière leurs difficultés spécifiques.
De l’égalité des droits à la promotion de la diversité
En France, le terme « diversité » apparaît à la fin des années 90, pour désigner les Français perçus comme « issus de l’immigration », sous-représentés aux postes à responsabilité. Contrairement à la non-discrimination, la diversité ne fait l’objet d’aucune définition juridique.
« Être POUR la diversité plutôt que CONTRE la discrimination,
H. Sanders & S. Belghiti-Mahut, La diversité dans l’Hexagone, Humanisme & Entreprise n° 305, 2011.
a une résonance plus positive. »
Dès les années 2000, la diversité s’étend à d’autres « catégories » (femmes, personnes handicapées, seniors), avec des actions ciblées. Une approche en silos s’installe, soutenue par un cadre légal incitatif (égalité professionnelle, emploi des travailleurs handicapés, etc.).
L’inclusion : un changement de regard sur le handicap
Par ailleurs, l’inclusion inverse le paradigme de l’intégration. Il ne s’agit plus d’attendre qu’un collaborateur en situation de handicap s’adapte aux obstacles rencontrés du fait de son handicap mais bien de lever les barrières qui entravent sa pleine participation à la société.
Ce tournant est au cœur de la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et la citoyenneté des personnes handicapées, qui fête ses 20 ans cette année.
[Lire aussi]
Inclusion au quotidien : adapter les pratiques RH
Aujourd’hui, l’inclusion « (…) tend à dépasser la vision en silos, par groupe de population, avec des actions favorisant un environnement et un management inclusifs pour tous et toutes. »
C. Joly & M. Ouvrard, Diversité, inclusion et marque employeur, AFMD, 2023.
Cela commence dès le recrutement. À la question « Avez-vous des besoins d’aménagement spécifiques ? », un candidat peut évoquer une situation de handicap ou d’autres contraintes personnelles.
L’exemple de Karim, développeur web
En entretien, j’ai mentionné que j’étais aidant de mon frère en situation de handicap et que j’aurais besoin de commencer plus tard certains matins. L’entreprise a ajusté mes horaires sans difficulté. J’ai apprécié cette écoute dès le départ. Ça m’a mis en confiance et m’a conforté dans ma décision de rejoindre l’entreprise.
Télétravail, horaires adaptés, souplesse : ces mesures, parfois inscrites dans les accords QVCT, favorisent une organisation inclusive. La MAIF, par exemple, interdit les réunions avant 9 h ou après 18 h pour mieux concilier vie pro/perso.
Encadrer certaines libertés de façon proportionnée
Par ailleurs, certaines libertés individuelles, comme l’apparence physique ou l’expression des convictions, peuvent être encadrées par l’entreprise.
La notion de « tenue correcte » a perdu son évidence. Les normes vestimentaires (ex. : short en période de canicule, couleur des cheveux, coiffure…) évoluent. Le règlement intérieur nécessite donc une actualisation régulière.
Les RH naviguent entre exigences de l’entreprise (image, sécurité) et libertés individuelles afin de garantir un équilibre respectueux.
Le fait religieux, lui aussi, doit être abordé avec rigueur.
Par exemple :
En 2024, un responsable refuse la prise de poste d’une vendeuse portant un signe religieux. Il aborde la situation avec ses propres mots et confond laïcité et gestion du fait religieux en entreprise, s’exposant à des risques juridiques au civil et au pénal.
Or, la liberté religieuse est un principe fondamental inscrit dans la Constitution (art. 1er). Elle s’exerce dans le respect du bon fonctionnement de l’entreprise et du principe de non-discrimination. Depuis la loi El Khomri (2016), le règlement intérieur peut limiter l’expression des convictions religieuses, notamment pour les salariés en contact avec la clientèle.
Les RH doivent donc interroger les normes implicites, faire évoluer les représentations et encadrer les restrictions de manière justifiée, proportionnée et non discriminatoire (art. L. 1321-3 et L. 1121-1 du code du travail).
Connaître le droit est une première étape. Le véritable enjeu, c’est de faire vivre ces principes en alignant les règles internes, les pratiques managériales et la culture d’entreprise.
Pour qu’elles aient un réel impact, ces pratiques doivent s’ancrer dans une vision partagée de la D&I, en rendant visibles les représentations et les sensibilités qui les sous-tendent.
Diversité et inclusion : un langage commun à construire
Avant d’agir, il faut donc s’entendre sur les mots. Les nuages de mots réalisés lors de 32 sessions de formation en 2024-2025 montrent que chacun projette dans la D&I ses propres représentations, vécus et sensibilités. Plus de 500 participants en sont à l’origine. Ils se sont formés sur les thématiques suivantes :
Diversité
Inclusion
Ces perceptions sont une richesse à condition d’être partagées, discutées et alignées. Clarifier le positionnement de l’entreprise, construire une vision commune et la traduire dans les pratiques. Voilà le socle d’une culture inclusive.
Alors que les États-Unis remettent en cause leurs politiques D&I et ont invité des entreprises françaises à garantir qu’elles n’appliquent pas de programmes de discrimination positive, l’enjeu en France est d’affirmer collectivement l’attachement aux valeurs républicaines.
Piloter une politique D&I : du cadre à l’action ?
Les RH ont un rôle majeur à jouer pour garantir un environnement de travail respectueux, équitable et conforme au droit.
Cela passe par la maîtrise des textes de référence, la révision des outils internes (règlement intérieur, chartes, procédures RH) et la formation des équipes.
[Se former]
Vous êtes DRH, recruteur, collaborateur de la fonction RH ou encore manager… et vous souhaitez mieux appréhender la notion juridique de discrimination et les méthodes de prévention aux différents niveaux où elle peut intervenir (recrutement, mobilité, promotion…). Découvrez le programme de la formation Prévenir la discrimination dans l’entreprise.
Les points clés :
- Connaître le cadre légal relatif aux discriminations au travail
- Prévenir la discrimination dans le cadre d’un recrutement
- Prévenir la discrimination dans le cadre d’une évolution de carrière
- Sensibiliser et impliquer tous les acteurs pour lutter contre la discrimination
Exemple d’exercices pratiques : jeux de rôle sur la base de situations issues du quotidien professionnel des participants.
En définitive, favoriser l’implication de toutes et tous, clarifier les règles et ouvrir des espaces de dialogue permet d’ancrer durablement les principes de diversité et d’inclusion dans les pratiques. La diversité et l’inclusion ne sont pas que des intentions : elles prennent corps dans des choix, des arbitrages quotidiens et des modes de fonctionnement partagés. Les RH en sont les médiatrices, à l’intersection du cadre légal, du dialogue social et de la dynamique collective, soutenues par une direction engagée à leurs côtés.
« La diversité, c’est inviter les personnes au bal. L’inclusion, c’est les inviter à danser. »
Verna Myers, experte américaine en diversité et inclusion
Et vous, où en êtes-vous ?
